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Palais épiscopal puis hôtel de ville actuellement mairie et bibliothèque, boulevard Anatole Le Braz (Tréguier)

Description

Analyse *Le palais épiscopal de Tréguier est implanté directement au nord-ouest de la cathédrale Saint-Tugdual. Autrefois clos d’un mur, le domaine de l’évêque s’étendait de la cathédrale jusqu’au Guindy et comprenait bois et jardins. Le palais communique à la cathédrale et au cloître via la sacristie. Au sud du palais, s’étendait l’avant-cour ou cour d’honneur aujourd’hui place du Général Leclerc, au nord une basse-cour entourée de dépendances et close de mur. L’avant-cour était agrémentée d’un puits. La basse-cour est doublée d’un jardin se prolongeant par un bois de décoration à usage de promenade. L’avant-cour était fermée par un mur et un portail monumental en arc plein cintre surmonté d’un mascaron (portail déplacé) flanqué d’un bâtiment à usage de porterie (bâtiment disparu). Si la communication entre la cour haute et la cour basse dite basse-cour se faisait par une simple porte charretière située au rez-de-chaussée du corps de logis principal, elle a été remplacée par un double passage de 4 mètres de largeur permettant l’aménagement d’une route descendant de la Place du Martray vers le Pont Noir (actuellement boulevard Anatole Le Braz).Le palais se compose d’un grand corps de logis orienté nord-sud encadré par deux pavillons nommés respectivement "pavillon est" et "pavillon ouest". Le palais est prolongé à l’est et à l’ouest par deux ailes de bâtiment, vers le nord-ouest par une autre aile de bâtiment. Le pavillon est est flanqué d’un bâtiment nommé "maison Ejebo" disposant au sud d’une courette. Côté nord, une cave accessible de plain-pied depuis le jardin est éclairée par deux oculi. L’avant-cour donnait accès à la "salle synodale" ou "galerie" située au premier étage via le vestibule et l’escalier d’honneur en pierre de taille de granite flanqué d’une rampe en fer forgé. Au même niveau se trouvait la "chambre de l’évêque" et des appartements. Au rez-de-chaussée étaient rejetées les pièces de service : laverie, garde-manger, cuisine, office… Situé dans le prolongement de la cuisine, la "salle à manger " disposait d’un accès direct au jardin via un perron et un petit escalier. Plusieurs pièces du palais ont conservé leurs boiseries.L’aile orientale du palais est desservie par un escalier rampe sur rampe en bois à balustres (prolongé par un petit escalier secondaire donnant accès au niveau de comble) tandis que l’aile ouest est desservie par un escalier en vis (et un escalier rampe sur rampe autrefois situé à l’extrémité sud). L’aile nord-ouest à usage actuel de mairie est desservie par un escalier principal et un escalier en vis en bois secondaire.La construction du palais a majoritairement fait appel à des moellons de granite dont les parements extérieurs étaient enduits avec un mélange de sable et de chaux. Les entourages des ouvertures reçoivent des éléments en pierre de taille de granite. Un bandeau en pierre de taille de granite vient souligner l’étage. Portes et fenêtres sont dotées de linteaux droits à l’exception des ouvertures du rez-de-chaussée de l’aile nord-ouest qui reçoivent des linteaux en arc segmentaire (comme les arcs des deux passages pour automobile). Les trois anciennes remises (actuellement transformées en fenêtre) étaient chacune dotées d’un arc en plein cintre. Les chainages d’angle de l’aile nord-ouest et de la "maison Ejebo" montrent chacun le pilier d’une arcade et des pierres de taille en attente. A la jonction du pavillon et de l’aile ouest, deux petites fenêtres et un jour témoignent des dispositions anciennes du palais (fenêtre éclairant notamment l’escalier en vis). Sur la façade sud du pavillon ouest ont été intégrées des armoiries d’évêque. Contre cette façade est également présenté un ancien manteau de cheminée en granite portant l’inscription suivante : "DEV [DEUM] FIDE. SPE AC CHARITATE COLITO (Honore Dieu par la foi, l’espérance et la charité)" et le millésime 1574.
Historique *Le palais épiscopal fut la résidence des évêques de Tréguier jusqu’en 1790. Augustin-René-Louis Le Mintier fut ainsi le dernier évêque de Tréguier. L'édifice, quelquefois désigné comme "manoir épiscopal", revêt l’allure d’un bâtiment à travée régulière datable du début du 18e siècle mais l’histoire de sa construction est plus complexe.Un manoir épiscopal construit au 15e siècleLe manoir épiscopal est construit à partir de 1433, sous l’épiscopat de Pierre Piedru (1430-1435) par Jean Le Gac et Jean Jamet (Chauou, 1969). Le "catalogue des évêques de Tréguier rédigé au 15e siècle" transcrit par René Couffon précise que c’est sous l’épiscopat de Jean de Ploeuc (1442-1453) que le manoir épiscopal est achevé : "Fecit etiam multum aperte planare plateam villae unde fecit ad ipsius magnum decorem removere inestimabilem quantitatem terrae et ejusdem pavementum quod nunquam habuerat fieri et signanter inter ecclesiam polygonius et portem episcopalem. Item magnam cochleam cum habitationibus seu estagiis sibi inherentibus et magna stabula seu magnam grangiam et magnum puteum episcopales.""Il [Jean de Ploeuc] fit aussi beaucoup aplanir à découvert la place de la ville d'où il fit enlever pour sa décoration une quantité difficile à estimer de terre et son pavement qui n'avait jamais existé et clairement entre l'église polygonale et la porte [du manoir] épiscopal. Il fit aussi une grande tour avec des logements ou pour les bâtiments lui étant attachés et de grandes étables ou une grande grange et un grand puits épiscopaux." Les ailes est et ouest du palais recèlent cependant encore des éléments datables du 15e siècle comme les vestiges d’une cheminée, un décor peint (?) et des maçonneries anciennes (étage de comble de l’aile est, tour des latrines à l’est ou encore mur postérieur de l’aile ouest).Le manoir épiscopal au 17e siècle : des travaux de reconstruction ?Au cours de la guerre de la Ligue (1588-1598), le manoir épiscopal est partiellement détruit. Selon René Couffon (1929), le manoir épiscopal (qui abrite la chambre de l’évêque) a été reconstruit à partir de 1608 à la demande d'Adrien d'Amboise, évêque de Tréguier mais nous n’avons pas pu identifier les sources qu’il a utilisé. A la même époque débutent les travaux d’alimentation en eau de la ville depuis une fontaine située à Plouguiel : une conduite d’eau de 2700 mètres et un pont aqueduc sont construits à cet effet (Archives communales de Tréguier : "Plan de la pompe de Tréguier fait par le soussignant Charles Symon, maître peintre", 1610). Outre la fontaine située au sud de la cathédrale (actuelle place du Martray), cette conduite alimentait en eau un bassin situé dans le jardin du manoir épiscopal (Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, 1853). Diligenté en 1691 par l’évêque Eustache Le Sénéchal de Carcado (évêque de 1686 à 1694), un état du manoir épiscopal révèle son mauvais état sanitaire à cette époque. Les experts s’attachent à distinguer ce que l’on doit à la "caducité", à des erreurs de conception ou au manque de réparation donc, ce qui peut être imputé à l’évêque. Il en est ainsi de la "voûte de la porte cochère" de la basse-cour ou cour de service située au nord du palais épiscopal, qui "menace ruine". A proximité immédiate de cette porte charretière, l’état évoque un "très ancien corps de logis" (rasé après 1757) mesurant environ 15 m de longueur : il est bien stipulé que "l’état où il se trouve ne provient d’aucun défaut de réparation, mais de la caducité". Le manoir épiscopal au 18e siècle : des travaux de reconstruction et d’embellissementL’étude de la mise en œuvre et l’analyse stylistique du corps principal de logis, des pavillons (est et ouest), des cheminées et des boiseries permettent de dater ces bâtiments des années 1700-1715. Cela place cet important chantier sous l’épiscopat de Olivier Jégou de Kervilio, évêque de 1694 à 1731. L’aile nord-ouest a été construite sous l’épiscopat de François-Hyacinthe de La Fruglaye de Kervers, c’est-à-dire entre 1730-1745 ce qui est confirmé par l’analyse stylistique des cheminées et boiseries des trois pièces situées à l’ouest mais aussi, par une mention de l’évêque Gui Le Borgne de Kermorvan des travaux réalisés par son prédécesseur.Dans les archives départementales des Côtes-d’Armor subsiste un "devis de l’embellissement du palais épiscopal de Tréguier" daté de mai 1757. Il a été réalisé sous l’épiscopat de Charles-Gui Le Borgne de Kermorvan (1746-1761). A cette occasion, l’évêque demande l’autorisation au roi de raser le vieux logis ruiné de la basse-cour reconverti en grenier car masquant la vue vers le jardin, le "bois de décoration" et la "campagne". Dans l’avant-cour pavée, sont mentionnés en 1791 "un puits ragrée avec son couronnement en tailles [pierre de taille], à côté une auge de grosse pierre". Dans la seconde cour est décrite : "une fontaine sur pyramide avec son bassin et tympan en plomb, à côté deux petites auges de grosses pierres" (un bassin circulaire figure sur le plan de 1794). La porte permettant de passer de la basse-cour au bois est décrite comme une "ouverture de porte en pilastre de grosses tailles appuyée de deux petites masses de maçonnerie garnie d’une porte à claire-voie". Les travaux du 18e siècle ont eu pour objectif de rationaliser les espaces et la distribution des pièces : c’est à cette époque que le manoir épiscopal se mue en un véritable palais. L’harmonisation des façades, mais également celle des niveaux des sols apparaissent comme un souci constant de l’évêque. Le confort n’est pas oublié puisque les pièces de vie sont dotées de cheminée, de parquet et de boiserie. Située au rez-de-chaussée du corps principal de logis, la cuisine comprend "un petit four à pâtisserie" et "deux potagers à différents services" (visibles sur le plan de 1794). Des latrines sont accessibles au rez-de-chaussée et à l’étage, dans la tourelle est et à la rencontre de l’aile ouest, du pavillon ouest et de l’aile nord-ouest. L’évêque propose d’ajouter au palais en 1757 "des greniers plus que suffisants pour la rente de grains du temporel". Le corps principal de logis comprenait au rez-de-chaussée une cuisine et une "salle de plein pied" avec "fontaine" : cette "salle à manger", dallée de pierre de taille et, entièrement lambrissée donnait directement sur le jardin via un perron et un "escalier en limasson" (1791). Cette pièce a probablement été cloisonnée au début du 20e siècle lors du réaménagement du palais en hôtel de ville. A l’étage se trouve la "salle synodale" et la "chambre de compagnie" avec "latte parquetée en bois [de] châtaigner". La "salle synodale" présente des boiseries avec décor type Louis XIV datables des années 1700-1715 avec octogones, tables à écoinçons et panneaux avec ressaut en plein cintre. Le plafond lambrissé est peint en blanc afin d’imiter les plafonds parisiens en plâtre. La "chambre de compagnie" nommée antichambre a été divisée en deux espaces distincts à une date inconnue. Elle a conservé son plafond d’origine.Le pavillon est est également datable du 1er quart du 18e siècle (vers 1700-1715 ?). Au rez-de-chaussée subsiste une pièce dite "salle de compagnie" (1791) avec cheminée, des boiseries au-dessus de la cheminée et une "armoire d’attache". Si la "chambre de l’évêque" située à l’étage, a perdu ses boiseries, elle a conservé son parquet à compartiment et son plafond. Au centre de ce plafond se trouve une colombe en haut relief, symbole de l’Esprit saint. Une gloire aux rayons divins en relief (décorés de feuille d’or) entoure et nimbe la colombe recouverte d’une argenture. L’étage de comble est doté d’une chambre haute avec cheminée et plafond à octogone (bassin pour un lustre). Éclairée par deux lucarnes, cette chambre haute ou cabinet donne sur les jardins et la rivière de Tréguier. Cette chambre est desservie par l’escalier ouest de l’aile est, un petit escalier secondaire donnant sur le niveau de combles de l’aile est (lui aussi réaménagé), un couloir et enfin quelques marches… L’étage de comble est couvert en enrayure. L’aile est est un rhabillage d’un bâti plus ancien par chemisage des murs extérieurs : elle abrite un escalier à balustre de bois à rampe discontinue au niveau des paliers datable du début du 18e siècle (1700-1715).La "maison Ejebo" (accolée au pavillon est et citée en 1691) a été vraisemblablement rattachée à l’évêché après 1691 : à l’origine, elle comprenait une salle haute sous charpente à l’étage mis en évidence par l’étude préalable de Christophe Batard. Elle semble avoir été profondément modifiée à la fin du 17e siècle ou au début du 18e siècle. Comme l’aile ouest, le niveau du plancher a en effet été relevé pour être en accord avec celui du corps de logis situé immédiatement à l’ouest. L’état de 1791 évoque dans le première chambre (la plus à l’ouest), je cite : le "comble plafonné en pavillon" et dans la seconde (à l’est) : "le comble en pavillon blanchi de chaux, l’enrayure du comble entièrement sous couverture d’ardoise". Sur le chaînage est de la maison, des pierres de taille restent en attente ainsi que le départ d’un pilier et d’une arcade…Le pavillon ouest a été construit entre 1700 et 1715. Il abrite un grand escalier en granite (à angles vifs) à garde-corps en fer forgé desservant notamment la "salle synodale". Les éléments de boiseries de l’étage montrent des moulurations à grand cadre, un montage en trois parties, très savant, typiquement Louis XIV. Le plafond en dôme du vestibule est lambrissé en sapin. Selon, l’étude préalable de Christophe Batard, la rampe en fer forgé date de 1938 (devis du 13 août 1938). En haut du grand escalier, on accède également aussi vers l’ouest à plusieurs pièces.Selon l’évêque Charles-Gui Le Borgne de Kermorvan, l’aile nord-ouest du palais date de son "prédécesseur" donc très vraisemblablement de l’épiscopat de François-Hyacinthe de La Fruglaye de Kervers (1730-1745). Cette aile comprend outre "un grand pavillon" (actuelle mairie), "une écurie de chevaux et greniers à foin". Les trois remises sous arcade ont été transformées en bureau au 20e siècle. Les combles servent à stocker les récoltes de grain.Au-dessus des remises sous arcade se trouvent plusieurs pièces dont la fonction n’est pas connue avec certitude : s’agit-il du bureau et du secrétariat de l’évêque ? Les boiseries de ces trois pièces, de "style régence", sont datables des années 1730-1745 selon Jean-Jacques Rioult, conservateur en chef du patrimoine :- une antichambre (deux travées de fenêtre vers l’ouest) avec cheminée, armoire d’attache et décor de lambris blancs (2e quart du 18e siècle) associé à des portes modernes (1922) donnant sur l’escalier en vis de l’aile ouest (pièce actuellement à usage de bureau). A l’ouest, des latrines. Cette pièce a été divisée au 20e siècle.- une grande pièce (deux travées de fenêtre vers l’est) avec cheminée et boiseries de style "grand genre" ou "beau régence" (2e quart du 18e siècle). Il s’agit vraisemblablement d’un décor réalisé par des artisans locaux à partir de grands modèles savants : lambris de cheminée avec volutes et pilastres qui se terminent par des consolettes avec une feuille d’acanthe, au centre du manteau de la cheminée, des volutes, une coquille et une rosace… Les boiseries des dessus de porte semblent modernes (1922 ?) tout comme le parquet (entrecroisé), la tapisserie, le bureau, les chaises et fauteuils datables des années 1920 et probablement commandés lors de la transformation de l’ancien palais épiscopal en hôtel de ville. Cette pièce sert actuellement de bureau au maire de Tréguier.- une pièce plus petite (une travée de fenêtre à l’est et à l’ouest), avec cheminée et boiseries en chêne débité sur quartier. L’œil de bœuf situé en haut des boiseries de la cheminée aurait pu recevoir un portrait. Cette pièce sert actuellement de bureau au directeur général des services ;- plus au nord, les espaces ont été redécoupés lors de la transformation en hôtel puis en mairie à partir de 1986.L’aile ouest, décrite de "construction gothique" est reprise entièrement après 1757 : sa façade est modernisée dans le style Louis XIV du reste du palais. Elle accueille des pièces de rang inférieur : étaient-ce les bureaux de l’évêché ? L’étage de comble est transformé en grenier (espace pouvant être ventilé grâce à la partie haute des fenêtres de l’étage). Les lucarnes sont datables du 19e siècle.Le palais épiscopal dans la tourmente révolutionnaireLe décret de l’assemblée nationale du 12 juillet 1790 fixe la constitution civile du clergé : la loi stipule qu’il ne doit y avoir qu’un diocèse par département ce qui entraîne la suppression de l’évêché de Tréguier (les évêchés de Dol, Léon et Saint-Malo sont également supprimés). Évêques et prêtres sont désormais choisis par les électeurs chargés d’élire des administrateurs départementaux. L’autorité ecclésiastique est mise devant le fait accompli : le 14 février 1791, l’évêque de Tréguier, Monseigneur Le Mintier, après avoir publié un mandement contre-révolutionnaire destiné au clergé du Trégor et aux fidèles, choisit la fuite et s’exile en Angleterre via Jersey. La cathédrale abrite désormais le temple de la Raison "consacré au silence et à l’instruction des lois".Le procès-verbal d’estimation de l’ancien palais épiscopal de Tréguier est réalisé le 24 février 1791 par Bernard Nayrod de Lanvellec (Archives départementales des Côtes d’Armor : 1Q1/33, Tréguier). L’inventaire des "meubles et effets" de l’ancien palais épiscopal de Tréguier appartenant à l’évêque Le Mintier est réalisé les 25 et 26 novembre 1793 par Julien Mauffray accompagné de Yves Le Merdy, officier municipal et de Jacques Paul Le Bormier, notable (Archives départementales des Côtes d’Armor : 1Q143). L’ancien office situé au rez-de-chaussée de l’aile est du plais est alors habité par le "fermier des bois et jardins" nommé Nivet. Le bataillon d’Étampes (détaché du "régiment du Temple") commandé par le citoyen Le Maire est envoyé à Tréguier pour éviter les troubles. Arrivés le 26 janvier 1794, les 842 soldats sont logés dans le palais épiscopal, au Collège (Séminaire) et pour certains d’entre eux dans le couvent des Ursulines (Guillou, 1913).La mémoire collective se souvient qu’ils ont renversés la croix située au carrefour de la côte Saint-Michel en arrivant à Tréguier. Dans le couvent des Ursulines, les dégâts sont considérables (chapelle et autel profanés, statues brisées), dans le palais épiscopal (la chapelle ou "salle du chapitre" profanée sert de "salle de discipline", la cuisine sert d’atelier du salpêtre afin de fabriquer de la poudre noire), dans la cathédrale (profanée, vandalisée, certaines verrières ont été brisées et arrachées) et le cloître (devenu magasin d’armement). La porte de la tour a été vandalisée afin de déranger l’horloge. Ces évènements entrainent de nombreuses plaintes de la municipalité de Tréguier : le bataillon d’Étampes est finalement relevé le 24 mai 1794 contre 300 grenadiers de Rhône et Loire (Guillou, 1913). A la suite, l’Assemblée municipale de Tréguier demande l’autorisation du district de vendre le mobilier vandalisé de la cathédrale.La nationalisation des biens ecclésiastiques dits de de première origine entraîne la vente des bien nationaux au profit de l’état. Le "palais épiscopal, dépendances et bois" (soit, "4 hectares 13 ares et 42 centiares environ") est mis en adjudication le 29 août 1794 est vendu comme "bien national" pour 50 000 francs (ensemble estimé à 14 180 francs). Le jardin de l’évêché estimé 72 francs est vendu en 1799 pour 155 francs.Le manoir épiscopal au 19e siècleL’ancien palais épiscopal de Tréguier est acquis par la mense épiscopale (établissement public du culte) de Saint-Brieuc le 14 décembre 1825 pour servir de presbytère et de maison de retraite aux prêtres du diocèse (pour la somme de 56 000 francs selon le décret de 1829) mais n’a jamais reçu cette affectation. Il comprenait : "trois grands corps de bâtiments ayant servi autrefois au logements de l’évêque, de presbytère, à un ouvroir, à une salle d’asile, etc. A l’entrée un bâtiment dit "porterie". Dans les vastes cours et jardins divers communs et, faisant suite à l’aile nord-sud, une maison comprenant rez-de-chaussée et chambres. Jardin, vergers, potagers, allée de boules. Un grand bois de haute futaie. Le tout indiqué sur au plan cadastral sous les numéros 203, 226, 266, 267, 269, 270, 271, 272 et 273 de la section A" (Archives communales de Tréguier : 1M3, carton n° 76. Lettre de Gustave de Kerguezec au préfet des Côtes-du-Nord, 20 juin 1920).Le manoir épiscopal au 20e siècle : la transformation en hôtel de villeAprès la loi de séparation des Églises et de l'État, l’ancien palais épiscopal est attribué au département des Côtes-du-Nord par décret du 12 juillet 1913. En 1917, le département des Côtes-du-Nord projette la création d’une nouvelle route permettant de relier la place du Martray au Pont Noir ou pont de Plouguiel. Sur le plan de 1917, on peut voir la création d’une "salle de gymnastique" en lieu et place de de la laverie, du garde-manger et de la cuisine du 18e siècle et le déplacement vers l’est de la cuisine et de la salle à manger. Dans l’aile est, la pièce située immédiatement au nord de la sacristie est mentionné comme "salon". A l’étage du corps principal de logis, la "salle synodale" a été divisée en deux pièces.Le 12 février 1920, le conseil municipal de Tréguier se prononce favorablement pour le projet d’acquisition "d’immeubles qui ont constitué jadis l’évêché de Tréguier". Selon la ville de Tréguier, ces bâtiments ont été "mal entretenus", "laissés à l’abandon pendant la guerre [Première guerre mondiale]", "occupés par des cantonnements de troupes qui ont encore augmenté les dégâts". Cette acquisition est proposée pour la somme de 50 000 francs "dans un but d’utilité générale et d’embellissement de la ville" avec comme condition de maintenir le bois de l’évêché en "promenade publique". Pour la commission départementale des Côtes-du-Nord, la ville de Tréguier fait "une offre matériellement inférieure à la valeur réelle de l’immeuble". Dans un télégramme daté du 26 juin 1921, Gustave de Kerguezec écrit finalement à la mairie de Paris "suis heureux de conclusion affaire évêché amitiés Kerguezec". Les biens dits "de l’évêché" sont finalement vendus à la ville de Tréguier le 20 septembre 1921 pour la somme de 50 000 francs (payables en trois fois). Gustave de Kerguezec écrit un peu plus tard dans ses "Note pour Tréguier" : "L’affaire de la vente de l’évêché à la ville de Tréguier a été une des plus dures, des plus difficiles et des plus délicates que j’ai jamais mené [sic]. J’ai trouvé au sein de la commission départementale les obstacles les plus inattendues et les plus énergiques". Un peu plus loin, on peut lire : "il y aurait peut-être lieu d’examiner s’il ne convient pas d’examiner [sic] la question d’installation de mairie de l’évêché et la vente de la mairie actuelle le produit de cette vente servant à l’aménagement de la nouvelle mairie. L’économie du projet serait de nous débarrasser d’un immeuble au profit d’un immeuble infiniment supérieur. On saurait faire une grande salle de délibération tout à fait belle et vraiment digne de la ville en gagnant l’ancienne grande salle de l’ouvroir. Le secrétariat pourrait être installé dans les trois pièces qui sont à gauche du grand escalier et la justice de paix [système de justice de proximité créé en 1790 et supprimé en 1958] dans la très grande salle qui se trouve dans l’ancienne salle d’asile à droite de la voûte lorsqu’on descend au bas de l’endroit que j’ai indiqué sur le plan par une petite croix bleue" (Archives communales de Tréguier : 1M2, carton n° 73.). Rappelons, que la mairie de Tréguier était en 1920 située rue Colvestre (appelée rue de la mairie au début du 20e siècle) dans un immeuble construit au 19e siècle.En juin 1921 sont réceptionnés les travaux du deuxième passage pour la circulation des automobiles à travers le palais épiscopal (travaux réalisés par l’entrepreneur Étienne Rannou) afin d’aménager la nouvelle route jusqu’au Pont Noir. Des dépendances de l’ancien palais épiscopal dont la "conciergerie" accolée à la cathédrale sont alors rasées. Le porche de l’avant-cour est démonté puis vendu à un particulier (le porche a été remonté rue Chateaubriand).Le projet de réhabilitation de l’ancien palais épiscopal en hôtel de ville est confié à Le Fort de Guingamp, architecte départemental des Beaux-Arts, qui réalise le devis estimatif des travaux le 30 mars 1922 (Archives communales de Tréguier : 1M2, carton n° 73). L’objectif est de créer une "grande salle" (salle du conseil ou "salle des délibérations"), un secrétariat et un bureau pour le maire ("Ancien évêché de Tréguier, plan du premier étage des parties à réparer", validé le 22 décembre 1922). Le vestibule, l’escalier d’honneur et la salle du conseil sont dotés d’un décor peint dédiés à dix-huit enfants de Bretagne et rappelant huit moments importants de l’histoire de Tréguier (voir l’annexe intitulée : Le décor de la "salle des séances" de l'hôtel de ville réalisé en 1923).Le 2 juillet 1922 est inauguré le monument aux morts réalisé par le sculpteur Francis Renaud sur l’ancienne avant-cour du palais épiscopal, actuellement place du Général Leclerc (d’autres équipements municipaux : groupe d'habitations ouvrières, dispensaire anti-tuberculeux, stade des sports sont alors inaugurés). Le 2 septembre 1923, c’est dans le cadre du centenaire de la naissance d’Ernest Renan (né le 28 février 1823 à Tréguier) et de la visite de nombreuses personnalités dont Raymond Poincaré, président du conseil que l’hôtel de ville de Tréguier est inauguré. L’aile nord-ouest du palais épiscopal (aujourd’hui "mairie") est occupée par un hôtel de tourisme jusqu’en 1956 au moins. L’Hôtel Central appartient à Raymond Chazottes, hôtelier, habitant à Tréguier. En 1962, il est racheté par les époux Darchen, également hôteliers, ils le rebaptisent "Hôtel de la Tour d’Hastings". Avant même la mise en vente de l’hôtel, la ville de Tréguier s’était déjà positionnée en vue de son achat. L’acquisition de l’hôtel est décidée par délibération du conseil municipal du 12 mai 1977 avec pour objectif de permettre l’agrandissement de la mairie. La vente est conclue le 12 octobre 1977 pour la somme de 320 000 francs. Les travaux d’aménagement ont démarré en 1983 afin de consolider le bâtiment (travaux de maçonnerie, couverture et charpente). La nouvelle mairie de Tréguier a été inaugurée en 1986 (Archives communales de Tréguier : 1M3, carton n° 76).


Note**Données issues du portail patrimoine.bzh édité par le Service régional de l'Inventaire


Informations

FondsJoseph des Bouillons
Sujet(s)évêché, palais, écurie, dépendance, logement
Identifiant4J_22362_01_0163
Matériauxardoise
Matériaux des mursgranite, moellon, maçonnerie


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